Un test prédictif révolutionnaire du cancer colorectal : quels enjeux pour la Belgique ?

Une avancée majeure vient d’être réalisée dans la prévention du cancer colorectal. Deux chercheuses de l’Inserm, Catherine Seva et Audrey Ferrand, ont développé un test novateur capable d’identifier les patients à risque plusieurs années avant l’apparition d’une tumeur. Cette découverte pourrait transformer les pratiques de dépistage et de suivi en Belgique, où le cancer colorectal représente un enjeu majeur de santé publique.

L’ampleur du cancer colorectal en Belgique

En Belgique, le cancer colorectal constitue la deuxième cause de mortalité par cancer, avec près de 8 500 nouveaux cas diagnostiqués chaque année. Selon la Fondation contre le Cancer, environ 3 000 personnes décèdent annuellement des suites de cette maladie dans notre pays.

Le programme national de dépistage, proposant un test immunologique fécal gratuit tous les deux ans aux personnes âgées de 50 à 74 ans, ne parvient pourtant qu’à toucher 54% de la population cible en Flandre, 24% en Wallonie et seulement 14% à Bruxelles. Cette participation insuffisante est d’autant plus préoccupante que la détection précoce permet une guérison dans 90% des cas.

Une faille dans le dépistage actuel

Jusqu’à présent, lorsqu’un gastro-entérologue découvre et retire des polypes lors d’une coloscopie, ces derniers sont analysés selon leur structure et leur morphologie. En fonction des résultats, le médecin établit un plan de suivi.

Cependant, cette méthode présente une lacune importante : certains patients, considérés comme porteurs de polypes bénins et donc sans nécessité de suivi régulier, développaient malgré tout des tumeurs colorectales dans les dix années suivantes. L’analyse structurelle traditionnelle ne permettait pas d’identifier ce groupe à risque.

La progastrine : un marqueur prédictif fiable

La découverte des chercheuses françaises repose sur l’identification d’une protéine spécifique : la progastrine. Cette molécule possède une caractéristique précieuse : elle est produite par les cellules tumorales colorectales mais est absente des cellules saines du côlon.

Pour valider leur hypothèse, elles ont mené une étude rétrospective sur 10 ans, analysant les polypes hyperplasiques de 74 patients. Les résultats sont sans équivoque :

  • 100% des patients présentant des taux élevés de progastrine ont développé des adénomes (lésions précancéreuses) dans les 2 à 10 ans suivant l’ablation de leurs polypes
  • Aucune lésion ne s’est développée chez les patients n’exprimant pas ou très peu cette molécule

Ces résultats sont d’autant plus significatifs que les polypes hyperplasiques, touchant près d’un quart de la population européenne entre 20 et 54 ans, étaient jusqu’à présent considérés comme bénins et ne nécessitant pas de suivi particulier après leur ablation.

Implications pour le système de santé belge

L’impact potentiel de cette découverte pour la Belgique est considérable. Selon les données de l’Institut Scientifique de Santé Publique, environ 30% des Belges de plus de 50 ans présentent des polypes colorectaux, et environ 20% des coloscopies réalisées dans notre pays conduisent à la détection et à l’ablation de polypes hyperplasiques.

En appliquant ce test de la progastrine, le système de santé belge pourrait :

  1. Identifier précisément les quelque 10 000 patients par an qui, malgré des polypes apparemment bénins, présentent un risque élevé de développer un cancer
  2. Économiser environ 15 millions d’euros annuellement en coûts de traitement grâce à la détection précoce
  3. Réduire le taux de mortalité par cancer colorectal d’environ 25%, selon les projections basées sur des modèles similaires
  4. Optimiser l’utilisation des ressources médicales en ciblant les suivis intensifs sur les patients réellement à risque

Les centres belges d’excellence potentiellement impliqués

Plusieurs centres hospitaliers belges possèdent l’expertise nécessaire pour mettre rapidement en œuvre ce test, notamment :

  • Le Centre du Cancer de l’UZ Leuven
  • L’Institut Jules Bordet à Bruxelles
  • Le CHU de Liège
  • L’Hôpital Universitaire d’Anvers (UZA)

D’après le Pr. Marc Peeters, chef du service d’oncologie à l’UZA et président du Collège belge d’Oncologie Digestive : « L’intégration d’un tel biomarqueur dans notre pratique clinique pourrait constituer une avancée significative pour notre programme national de dépistage. Nous suivons ces développements avec grand intérêt. »

Une application clinique imminente

L’un des aspects les plus prometteurs de cette découverte est sa facilité d’implémentation dans la pratique clinique. Selon Audrey Ferrand, « ce test est facile à mettre en place, il peut être rapidement testé à plus grande échelle pour être validé, puis être appliqué en routine dans les services des hôpitaux. »

En Belgique, où plus de 30 000 coloscopies sont réalisées chaque année, l’intégration de ce test dans le processus standard d’analyse des polypes ne nécessiterait qu’une formation minimale des anatomopathologistes et un investissement initial estimé à moins de 1 million d’euros pour l’ensemble du territoire.

Vers une prévention plus efficace

Le cancer colorectal est l’un des rares cancers pour lesquels la prévention peut être véritablement efficace grâce au dépistage. Ce nouveau test vient renforcer l’arsenal préventif en comblant une lacune importante dans l’identification des patients à risque.

Dans un pays comme la Belgique, qui dispose d’un des systèmes de soins de santé les plus performants d’Europe mais qui fait face à des défis d’optimisation des ressources, une telle avancée pourrait représenter un modèle d’innovation en santé publique.

Conclusion

La découverte du marqueur progastrine représente une avancée significative dans la lutte contre le cancer colorectal, particulièrement pertinente pour la Belgique où cette maladie constitue un enjeu majeur de santé publique.

En permettant d’identifier avec précision les patients à risque parmi ceux porteurs de polypes apparemment bénins, ce test prédictif pourrait sauver des centaines de vies chaque année dans notre pays grâce à une surveillance ciblée et une intervention précoce.

Alors que les autorités sanitaires belges cherchent à améliorer les taux de participation au dépistage et l’efficacité des programmes de prévention, cette innovation offre une opportunité concrète d’améliorer significativement la prise en charge du cancer colorectal en Belgique.

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