Les tatouages ont-ils un impact sur notre santé? Et le cas échéant, celui-ci est-il proportionnel à la surface tatouée, ou lié aux couleurs utilisées? De nombreuses inconnues demeurent, mais de nouvelles études alarment sur un lien entre tatouage et lymphomes et autres cancers de la peau.
Cela fait bien longtemps qu’on ne peut plus parler de mode des tatouages, mais bien de phénomène culturel massif. Selon les derniers chiffres du Service public fédéral de la Santé, qui datent de 2017, 500.000 Belges se font tatouer chaque année, et un tiers de la population arborerait au moins un tatouage. Un chiffre qui monte à 46% des Italiens, et 36% des Français. On ne peut plus parler d’une tendance marginale, et encore moins de marginaux.
Un tiers des Belges est tatoué Mais l’impact de ces encres sous la peau sur la santé pose question. Ces dernières années, les mises en garde se sont multipliées contre certains produits utilisés, en particulier pour obtenir des tatouages colorés. Or, une nouvelle étude, menée par l’Université du Danemark du Sud et qui porte sur des jumeaux, vient renforcer les inquiétudes. L’étude danoise, publiée dans la revue spécialisée BMC Public Health, a d’abord sélectionné au hasard 2.367 personnes ayant un jumeau, puis comparé les individus ayant développé un cancer de la peau à ceux qui étaient épargnés. Les personnes tatouées étaient déjà surreprésentées. La seconde phase a confirmé cette tendance en se concentrant sur 316 paires de jumeaux identifiées, où le risque de cancer était plus élevé de 33 à 62 % chez les jumeaux tatoués par rapport à leurs frères et sœurs non tatoués.
Ce risque était encore plus marqué chez ceux dont les tatouages dépassaient la taille de leur paume, avec une probabilité trois fois plus élevée de développer un cancer, détaille Science Alert. Nous n’avons pas observé de lien clair entre la survenue d’un cancer et des couleurs spécifiques d’encre, mais cela ne signifie pas que la couleur est sans importance Ces résultats doivent toutefois être relativisés: ils mettent en évidence une corrélation, mais pas forcément une causalité. D’autres facteurs peuvent entrer en jeu, comme le mode de vie des personnes étudiées. Les lymphomes et les cancers de la peau ne sont, en outre, pas des affections assez courantes pour tirer des conclusions statistiquement pertinentes sur une augmentation du risque. Mais ces résultats justifient des études supplémentaires plus poussées sur l’impact des tatouages. « Nous n’avons pas observé de lien clair entre la survenue d’un cancer et des couleurs spécifiques d’encre, mais cela ne signifie pas que la couleur est sans importance », confirme Bedsted Clemmensen, la biostatisticienne qui a dirigé l’étude. « Nous savons grâce à d’autres études que l’encre peut contenir des substances potentiellement nocives. Par exemple, l’encre rouge provoque plus fréquemment des réactions allergiques. C’est un domaine que nous souhaitons explorer davantage. »
Les particules d’encre sont suspectées de s’accumuler dans certains ganglions lymphatiques, jusqu’à faire réagir le système immunitaire de manière exacerbée. Le phénomène reste très mal connu, mais vu la proportion de personnes tatouées, l’enjeu pour la santé publique n’a rien d’anodin. Des règlementations européennes En 2021, l’Union européenne avait imposé une forte baisse de la concentration, de l’ordre de 0,02%, des substances considérées comme potentiellement cancérigènes présentes dans les encres colorées. Une mesure qui avait provoqué une véritable levée de bouclier des artistes, qui sortaient d’une pandémie très douloureuse pour leur activité. Ceux-ci rappelaient que les encres pour tatouages viennent majoritairement des États-Unis, où les règles de l’UE ne s’appliquent pas. Ce qui risquait de poser de gros problèmes d’approvisionnement à l’ensemble du milieu du tatouage en Europe. Mais la composition des encres devient, lentement mais sûrement, un enjeu dans le milieu des tatouages. En témoigne l’apparition de produits certifiés biologiques ou végans. Si l’impact des tatouages à long terme sur la santé reste mal connu, cet intérêt de la médecine démontre également à quel point cette pratique est devenue importante dans nos sociétés.