L’incidence de certains cancers ne cesse d’augmenter chez les jeunes adultes âgés de 15 à 39 ans en Belgique. C’est ce que révèle une étude récente menée par Sciensano, en collaboration avec la Fondation Registre du Cancer. Publiée en mars 2025, elle met en évidence une hausse significative de six types de cancers, alors que ces pathologies étaient jusqu’ici plus fréquemment associées aux seniors. Cette tendance alarmante pose une question essentielle : quels sont les facteurs responsables de cette hausse dans le Royaume?
Un constat inquiétant : six cancers en forte augmentation
D’après les données collectées entre 2000 et 2020, l’incidence de six types de cancers a fortement progressé chez les jeunes adultes belges :
- Les glioblastomes (+6,11 % par an) : une forme agressive de cancer du cerveau.
- Les cancers du rein (+4,51 % par an).
- Les liposarcomes (+3,68 % par an) : des tumeurs des tissus adipeux.
- Les lymphomes de Hodgkin (+1,86 % par an) : un cancer du système lymphatique.
- Les cancers du sein (+1,60 % par an).
- Les cancers colorectaux (+1,43 % par an).
Cette hausse régulière sur deux décennies suscite une forte inquiétude dans la communauté médicale belge. En tout, près de 7.800 cas de cancers ont été recensés chez les 15-39 ans sur l’ensemble du territoire national durant cette période.
L’obésité, un facteur clé dans l’augmentation de certains cancers ?
Les chercheurs de Sciensano avancent plusieurs hypothèses pour expliquer cette explosion des cas chez les jeunes adultes. L’un des facteurs suspectés est l’obésité, dont la prévalence a fortement progressé en Belgique :
- 10,5 % des 18-24 ans sont en situation d’obésité.
- 15,2 % des 25-34 ans.
- 18,3 % des 35-44 ans.
L’étude souligne que l’obésité pourrait être liée à l’augmentation des cancers digestifs et rénaux, notamment le cancer colorectal et le cancer du rein. Cependant, cette corrélation n’est pas encore formellement prouvée, et des recherches supplémentaires sont nécessaires.
« L’obésité entraîne un état inflammatoire chronique, des perturbations hormonales et une résistance à l’insuline, autant de facteurs qui peuvent favoriser le développement des cellules cancéreuses », explique le Professeur Van Damme, oncologue à l’UZ Brussel.
Des expositions environnementales préoccupantes
Outre l’alimentation et la prise de poids, les chercheurs belges s’intéressent à l’impact des expositions environnementales sur l’incidence croissante de certains cancers. Plusieurs éléments sont mis en cause :
- La pollution de l’air : Particulièrement préoccupante dans les zones urbaines comme Bruxelles et Anvers, des études montrent un lien entre les particules fines et certains cancers, notamment le cancer du poumon et les tumeurs cérébrales.
- Les perturbateurs endocriniens : Ces substances chimiques présentes dans les plastiques, les cosmétiques et certains aliments pourraient favoriser les cancers hormonodépendants, comme celui du sein.
- Les radiations et ondes électromagnétiques : Si leur effet reste controversé, l’exposition croissante aux téléphones portables et aux appareils connectés soulève des interrogations, notamment concernant les glioblastomes.
Une hausse qui s’observe à l’échelle internationale
L’étude de Sciensano souligne que cette augmentation des cancers chez les jeunes adultes n’est pas propre à la Belgique. Des tendances similaires ont été observées dans d’autres pays européens, notamment en France, aux Pays-Bas et en Allemagne.
Une étude publiée dans la revue Nature Reviews Clinical Oncology en 2023 indiquait que l’incidence de plusieurs cancers chez les moins de 50 ans avait bondi depuis les années 1990, en raison de changements dans le mode de vie, de la sédentarité et d’une exposition accrue aux polluants.
Des tendances inverses pour certains cancers
Tous les cancers ne sont pas en augmentation en Belgique. L’étude relève une diminution marquée de certains types de tumeurs :
- Les mélanomes (-3,05 % par an), probablement grâce aux campagnes de prévention contre l’exposition au soleil et l’utilisation accrue de crèmes solaires.
- Les cancers de la tête et du cou (-1,24 % par an).
- Le cancer du col de l’utérus, dont la baisse s’est stabilisée après 2013, grâce au dépistage et à la vaccination contre le papillomavirus (HPV).
L’incidence du cancer du col pourrait encore diminuer avec un meilleur taux de vaccination des adolescents. La Belgique vise à atteindre 90% de couverture vaccinale d’ici 2030, dépassant l’objectif de 80% fixé par l’OMS.
Quelles solutions pour enrayer la hausse ?
Face à ces chiffres préoccupants, les chercheurs belges insistent sur la nécessité d’intensifier les mesures de prévention et de recherche. Plusieurs actions sont envisagées :
- Renforcer la lutte contre l’obésité : Sensibilisation aux risques, amélioration de l’alimentation et encouragement à l’activité physique dès le plus jeune âge, notamment dans les écoles flamandes, wallonnes et bruxelloises.
- Éduquer à la réduction des expositions toxiques : Interdiction progressive de certains perturbateurs endocriniens, réduction de la pollution de l’air et meilleure traçabilité des produits alimentaires.
- Améliorer le dépistage précoce : Pour certains cancers comme celui du sein et du côlon, un diagnostic précoce augmente considérablement les chances de survie. Le programme de dépistage du cancer du sein en Belgique pourrait être étendu aux femmes plus jeunes présentant des facteurs de risque.
- Poursuivre les efforts en matière de vaccination contre le HPV : Cette vaccination pourrait éradiquer le cancer du col de l’utérus à long terme. La Belgique a étendu la vaccination gratuite aux garçons depuis 2019.
Un phénomène inquiétant qui doit alerter
L’augmentation des cancers chez les 15-39 ans en Belgique ne doit pas être ignorée. L’étude de Sciensano met en lumière une tendance préoccupante, qui trouve probablement son origine dans des changements de mode de vie, l’augmentation de l’obésité et des expositions environnementales.
Si certains facteurs restent à confirmer, une prise de conscience collective est essentielle pour inverser la courbe. La prévention, la recherche et l’adoption de politiques de santé publique plus ambitieuses seront déterminantes pour limiter l’impact de cette progression inquiétante dans le Royaume.