Dépistage du cancer du sein: partager la décision avec les patientes, quels bénéfices?

Le choix de participer ou non au dépistage du cancer du sein représente une décision complexe pour de nombreuses femmes. Entre bénéfices potentiels et risques de surdiagnostic, l’équilibre est délicat. Une récente revue Cochrane s’est penchée sur l’impact de la prise de décision médicale partagée (DMP) dans ce contexte. Cette approche, qui implique activement les patientes dans les choix thérapeutiques, améliore-t-elle réellement leur expérience et leur compréhension? Les résultats, bien que nuancés, offrent des pistes intéressantes pour la pratique clinique.

Qu’est-ce que la décision médicale partagée?

La décision médicale partagée (DMP) représente un modèle de relation médecin-patient où les décisions sont prises conjointement. Elle repose sur trois piliers essentiels:

  • L’échange d’informations médicales basées sur les meilleures preuves scientifiques disponibles
  • La prise en compte des préférences et valeurs personnelles de la patiente
  • Une discussion approfondie entre le professionnel de santé et la patiente

Dans le contexte spécifique du dépistage du cancer du sein, cette approche vise à permettre aux femmes de prendre une décision éclairée, alignée avec leurs valeurs personnelles, au-delà d’une simple acceptation passive des recommandations médicales.

Une vaste étude pour évaluer les bénéfices

La revue systématique publiée par la Collaboration Cochrane a analysé 19 études impliquant plus de 64 000 femmes âgées de 40 à 75 ans. Les chercheuses et chercheurs ont examiné différentes formes d’interventions:

  • Des interventions complètes de DMP incluant formation des professionnels et outils d’aide à la décision (2 études)
  • Des formes abrégées de DMP avec outils d’aide à la décision utilisés avant la consultation (6 études)
  • Des interventions axées principalement sur une meilleure communication des risques (11 études)

L’objectif était d’évaluer l’impact de ces différentes approches sur plusieurs aspects cruciaux: la satisfaction des patientes, leur niveau de connaissance, leur implication dans la décision, leur confiance dans le choix effectué, l’adhésion à l’option choisie, et l’adéquation entre la décision et leurs valeurs personnelles.

Des résultats nuancés mais encourageants

Les résultats de cette méta-analyse révèlent plusieurs tendances intéressantes:

Amélioration des connaissances

L’utilisation d’outils d’aide à la décision et d’une meilleure communication des risques permet aux femmes de mieux comprendre les enjeux du dépistage. Sur une échelle de 0 à 10, les connaissances des patientes augmentent en moyenne de 0,5 à 1,4 point avec les formes abrégées de DMP, et de 1,14 point avec une meilleure communication des risques.

Réduction des conflits décisionnels

Les formes abrégées de DMP semblent réduire significativement la proportion de femmes présentant un conflit décisionnel résiduel après 1 à 3 mois (risque relatif de 0,75). Cela suggère que ces interventions aident les patientes à être plus à l’aise avec leur choix.

Impact variable sur l’anxiété et les préoccupations

L’étude n’a pas démontré d’effet significatif sur l’anxiété, que ce soit avec les formes abrégées de DMP ou avec la communication améliorée sur les risques. En revanche, une meilleure communication des risques semble réduire légèrement les préoccupations liées au cancer (différence moyenne de -0,17 sur une échelle de 1 à 4).

Un impact paradoxal sur le regret anticipé

De façon intéressante, l’amélioration de la communication sur les risques augmente légèrement le regret anticipé de participer au dépistage, mais diminue le regret anticipé de ne pas y participer. Ce résultat suggère que les femmes deviennent plus conscientes des limites du dépistage tout en reconnaissant son utilité potentielle.

De nombreuses questions encore sans réponse

Malgré l’ampleur de cette revue systématique, de nombreux aspects importants restent inexplorés. Parmi les sept critères d’évaluation considérés comme prioritaires par les auteurs, quatre à six (selon le type d’intervention) n’ont pas pu être évalués faute de données disponibles.

Par ailleurs, l’impact de la DMP sur le taux de participation au dépistage n’a pas été clairement établi, bien que d’autres études suggèrent une légère diminution de celui-ci. Cette baisse potentielle soulève des questions importantes: reflète-t-elle des choix plus éclairés ou risque-t-elle de compromettre les bénéfices de santé publique du dépistage organisé?

Des implications pour la pratique clinique

Bien que les preuves scientifiques restent limitées, les recommandations belges de 2016 sur le dépistage du cancer du sein en soins primaires préconisent déjà une approche proche de la DMP:

  • Informer la patiente des avantages et inconvénients de la mammographie pour permettre une décision éclairée
  • Ne pas se limiter à des dépliants imprimés, mais privilégier des explications verbales lors d’un entretien
  • Discuter des souhaits et préoccupations de la patiente pour qu’elle puisse participer activement à la décision

Ces recommandations, bien qu’anciennes et basées sur un niveau de preuve modeste (GRADE 2C), s’alignent avec les résultats de cette revue Cochrane qui soutient l’intérêt d’une approche partagée de la décision.

Conclusion: vers une médecine plus participative

Cette revue systématique, malgré ses limites méthodologiques, suggère que l’application d’une prise de décision médicale partagée dans le cadre du dépistage du cancer du sein pourrait légèrement améliorer les connaissances des patientes et réduire leurs conflits décisionnels.

L’approche de la DMP répond à des motivations tant éthiques que pragmatiques. Elle respecte l’autonomie des patientes tout en les aidant à naviguer dans la complexité des choix médicaux. Si les bénéfices mesurables restent modestes, cette revue offre au moins une certaine réassurance quant à la sécurité de cette démarche.

Des études supplémentaires de haute qualité méthodologique seront nécessaires pour clarifier l’impact de la DMP sur d’autres aspects importants comme la satisfaction des patientes et l’adéquation entre leurs décisions et leurs valeurs personnelles. En attendant, l’approche participative reste une voie prometteuse pour humaniser le processus de dépistage du cancer du sein.

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