À partir de 55 ans, de nombreux hommes s’interrogent sur l’opportunité de se soumettre à un dépistage du cancer de la prostate, même en l’absence de symptômes. Pour répondre à ce dilemme, deux nouveaux outils d’aide à la décision ont été développés: l’un destiné aux médecins pour accompagner leurs patients lors des consultations, l’autre conçu directement pour les patients eux-mêmes. Ces ressources, élaborées par le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) et LUCAS KU Leuven, visent à permettre une prise de décision personnalisée et éclairée.
Un dilemme complexe: peser le pour et le contre du dépistage
La question du dépistage systématique du cancer de la prostate par dosage du PSA (antigène prostatique spécifique) dans le sang reste un sujet controversé dans la communauté médicale. Le rapport bénéfices-risques n’est pas clairement établi, et les études scientifiques disponibles offrent des résultats nuancés.
D’un côté, le dépistage permet d’éviter deux décès par cancer de la prostate sur une période de 15 ans pour 1000 hommes testés. De l’autre, il expose de nombreux patients à des diagnostics et des traitements potentiellement inutiles pour des tumeurs qui, dans bien des cas, n’auraient jamais causé de symptômes de leur vivant.
Un cancer fréquent mais rarement mortel
Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquemment diagnostiqué chez les hommes en Belgique. Pourtant, moins de 4% des hommes en décèdent. Cette apparente contradiction s’explique par l’évolution généralement très lente de cette tumeur.
Un fait particulièrement révélateur: des études post-mortem ont montré que plus de 40% des hommes de plus de 80 ans sont porteurs d’un cancer de la prostate sans jamais en avoir présenté le moindre symptôme. Dans la majorité des cas, le diagnostic n’est posé qu’après 75 ans.
Les limites du test PSA
Le dosage du PSA présente plusieurs limitations importantes:
- Il n’est pas fiable à 100%
- Une valeur élevée de PSA ne signifie pas nécessairement la présence d’un cancer
- Un résultat normal n’exclut pas totalement la présence d’une tumeur
En raison de ces incertitudes, les recommandations de bonne pratique ne conseillent pas le dépistage systématique par PSA, qui n’est d’ailleurs plus remboursé dans ce cadre en Belgique.
Des outils validés scientifiquement pour une décision éclairée
Pour aider les hommes à prendre une décision en toute connaissance de cause, deux outils complémentaires ont été développés:
- Un instrument d’aide à la décision destiné aux patients développé par le centre de recherche LUCAS de la KU Leuven à la demande de la Vlaamse Liga tegen Kanker (VLK), en concertation avec la société scientifique des généralistes flamands Domus Medica et la Belgische Vereniging voor Urologie (BVU).
- Un document d’information pour les médecins élaboré par le KCE en collaboration avec la Société Scientifique de Médecine Générale et Domus Medica, conçu pour être parcouru avec le patient pendant la consultation.
Ces outils présentent de façon claire et équilibrée les avantages et inconvénients du dépistage, permettant à chaque homme de prendre une décision qui correspond à ses valeurs et priorités personnelles.
Des bénéfices limités mais réels
Selon les études scientifiques disponibles, le dépistage par PSA chez 1000 hommes âgés de 55 à 69 ans permettrait d’éviter deux décès par cancer de la prostate au cours des 15 années suivantes. Ces chiffres doivent cependant être interprétés avec prudence, car les études qui les ont produits présentent certaines limitations méthodologiques.
Des risques bien documentés
En revanche, les risques associés au dépistage sont mieux connus et documentés:
- Plus on pratique le test PSA, plus on augmente le nombre de traitements invasifs (biopsies, chirurgie, radiothérapie) et leurs complications potentielles: impuissance et incontinence.
- Le dépistage avance en moyenne de sept ans la découverte de petits cancers prostatiques, ce qui signifie que l’homme vivra plus longtemps avec l’étiquette de « patient cancéreux » et subira plus longtemps les inconvénients des traitements.
- Sur 1000 hommes testés, environ 25 se verront diagnostiquer un cancer, généralement à croissance très lente, qui n’aurait probablement jamais causé de symptômes sans dépistage.
Une décision personnelle à prendre en connaissance de cause
Face à ce dilemme, chaque homme doit se poser la question: faut-il opter pour le dépistage et légèrement améliorer ses chances de survie au prix d’un risque important de traitements inutiles et d’effets secondaires potentiellement pénibles? Ou préférer rester dans l’ignorance au risque de passer à côté d’une tumeur qui aurait pu être soignée, mais avec la certitude de ne pas subir de traitement superflu?
Les nouveaux outils d’aide à la décision n’apportent pas de réponse universelle à cette question. Leur objectif est d’aider chaque homme à faire un choix éclairé, correspondant à ses valeurs et priorités personnelles, seul ou en concertation avec son médecin.