Le lymphœdème, cette maladie encore méconnue qui affecte jusqu’à un quart des femmes après une chirurgie mammaire, pourrait bientôt bénéficier d’un traitement révolutionnaire. C’est du moins ce que laissent espérer les travaux menés à l’Université de Liège par l’équipe du Professeur Agnès Noel.
Au sein du prestigieux institut GIGA, les chercheurs du Laboratoire de Biologie des Tumeurs et du Développement (WELBIO) ont réussi à identifier un acteur moléculaire clé dans cette pathologie: l’uPARAP. Cette découverte pourrait changer la donne pour des millions de patients à travers le monde.
La technique développée par les scientifiques liégeois s’appuie sur une technologie de pointe permettant de bloquer l’ARN messager responsable de la production de cette protéine problématique. « Nous avons découvert que modifier la forme du réseau lymphatique, normalement complexe, en forme de labyrinthe, pouvait atténuer le lymphœdème », explique le Professeur Noel, dont les travaux ouvrent désormais la voie à de futurs essais cliniques.
Concrètement, l’innovation repose sur l’utilisation de « gapmers », des molécules capables d’empêcher la fabrication de l’uPARAP par l’organisme. Les tests précliniques ont déjà montré des résultats encourageants: réduction significative du gonflement, diminution de l’épaississement cutané et limitation des dépôts graisseux caractéristiques de cette affection.
Pour comprendre l’importance de cette avancée, il faut rappeler que le lymphœdème résulte d’un dysfonctionnement du système lymphatique, ce réseau vasculaire parallèle chargé d’évacuer les liquides et de participer à notre défense immunitaire. Lorsque ce système est endommagé, notamment lors d’interventions chirurgicales liées au cancer du sein, la lymphe s’accumule dans les tissus, provoquant un gonflement chronique douloureux et invalidant.
Cette affection peut se manifester sous deux formes distinctes. Le lymphœdème primaire, d’origine génétique, apparaît généralement dès la naissance ou durant l’adolescence. Plus fréquent, le lymphœdème secondaire survient après une chirurgie, une radiothérapie, un traumatisme ou une infection ayant compromis l’intégrité des vaisseaux lymphatiques.
Les chiffres donnent le vertige: selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), au moins 36 millions de personnes à travers le monde souffrent de manifestations chroniques de cette maladie. Et parmi les femmes ayant subi une intervention pour un cancer du sein, entre 15% et 25% développeront un lymphœdème, généralement au niveau du bras.
Les conséquences sur la qualité de vie sont considérables: lourdeur permanente du membre affecté, gêne fonctionnelle, risque accru d’infections cutanées récidivantes et impact psychologique majeur. Jusqu’à présent, la prise en charge se limitait essentiellement à des approches palliatives comme le drainage lymphatique manuel ou le port de manchons compressifs.
L’approche thérapeutique développée à Liège pourrait donc représenter un tournant dans la prise en charge de cette pathologie chronique, offrant pour la première fois l’espoir d’un traitement ciblant directement les mécanismes moléculaires sous-jacents de la maladie.