Cancer chez les jeunes: une augmentation de 80% en 30 ans et ses causes potentielles

Une tendance alarmante se dessine dans l’épidémiologie des cancers: le nombre de cas diagnostiqués chez les moins de 50 ans a augmenté de près de 80% au cours des trois dernières décennies. Cette statistique préoccupante, publiée en 2023 dans le prestigieux British Medical Journal, mérite notre attention. Cette hausse est particulièrement marquée pour le cancer du sein chez les jeunes femmes, qui a doublé entre 2012 et 2021. Quelles sont les raisons de cette augmentation et comment y faire face?

Un constat inquiétant mais nuancé

Si l’augmentation globale des cancers chez les jeunes est indéniable, certaines nuances méritent d’être soulignées. Les progrès considérables en matière de diagnostic et de traitement ont permis d’améliorer significativement les taux de guérison pour de nombreuses pathologies, comme certaines leucémies infantiles.

Néanmoins, plusieurs types de cancers restent particulièrement préoccupants en termes de survie à long terme chez les jeunes patients:

  • Le cancer du sein
  • Les tumeurs cérébrales, dont le glioblastome
  • Le cancer du poumon
  • Les cancers digestifs (intestin, estomac)

Meilleur dépistage ou augmentation réelle?

Cette hausse statistique des cancers chez les jeunes adultes et les enfants soulève une question fondamentale: s’agit-il d’une amélioration des techniques de dépistage permettant de détecter davantage de cas, ou d’une augmentation réelle liée à des facteurs de risque en hausse?

La réponse est complexe et implique probablement les deux phénomènes. D’un côté, les méthodes diagnostiques sont devenues plus sensibles et accessibles. De l’autre, notre mode de vie occidental présente de nombreux facteurs potentiellement cancérigènes:

  • Une alimentation riche en graisses animales
  • La consommation d’alcool
  • La sédentarité
  • L’obésité
  • La pollution environnementale
  • Le tabagisme
  • L’exposition excessive aux UV

Bien que le cancer soit traditionnellement associé au vieillissement cellulaire (plus de 90% des décès liés au cancer surviennent après 40 ans), l’augmentation des cas chez les jeunes soulève des préoccupations particulières, notamment en raison de son impact sur la scolarité, la vie professionnelle, la fertilité et la qualité de vie.

Les principales causes des cancers précoces

Prédisposition génétique

Certaines tumeurs touchant les enfants et les jeunes adultes sont liées à des facteurs génétiques qui peuvent se manifester de deux façons:

  • Par une anomalie génétique familiale connue
  • Par une mutation spontanée (dite « de novo ») sans antécédents familiaux

C’est notamment le cas de tumeurs rares comme le rétinoblastome et certaines tumeurs cérébrales, dont les mutations génétiques responsables ont été identifiées. Cette connaissance ouvre des perspectives pour des traitements ciblés et personnalisés.

L’importance du conseil génétique est cruciale dans les familles présentant des antécédents de cancers spécifiques. Par exemple, les patientes porteuses de la mutation BRCA1 ont un risque de 70% de développer un cancer du sein et de 45% pour un cancer de l’ovaire, justifiant un dépistage plus fréquent et plus précoce.

Les cancérigènes environnementaux

Certains facteurs environnementaux peuvent, seuls ou en association avec une prédisposition génétique, favoriser l’apparition de cancers:

  • Les rayons ultraviolets
  • La fumée de tabac
  • Les radiations ionisantes
  • Les microplastiques, de plus en plus présents dans notre écosystème

Ces agents peuvent être mutagènes, c’est-à-dire qu’ils perturbent la réplication de l’ADN lors des divisions cellulaires, soit directement, soit en activant des enzymes induisant des mutations.

Les agents infectieux oncogènes

Certains virus peuvent favoriser le développement de cancers. L’exemple le plus connu est le Papillomavirus Humain (HPV), responsable du cancer du col utérin. La vaccination contre les types d’HPV les plus agressifs, disponible et remboursée en Belgique pour les jeunes filles et garçons, constitue un excellent moyen de prévention.

Avec une couverture vaccinale atteignant 80% de la population jeune, le cancer du col de l’utérus pourrait potentiellement être éradiqué à long terme.

Perturbation de l’immunité

Notre système immunitaire joue un rôle crucial dans la détection et l’élimination des cellules cancéreuses. Son efficacité dépend de nombreux facteurs, notamment de la qualité de notre microbiome intestinal (l’ensemble des bactéries colonisant notre intestin).

Des études suggèrent que certains facteurs précoces, comme la naissance par césarienne, peuvent perturber le développement du microbiome et favoriser à long terme des maladies auto-immunes comme le diabète ou la maladie de Crohn. Par analogie, un microbiome perturbé pourrait également influencer la surveillance immunitaire des cellules cancéreuses, une hypothèse actuellement à l’étude.

Des mesures de santé publique nécessaires

L’augmentation de l’incidence des cancers chez les jeunes nécessite une réponse sociétale coordonnée, articulée autour de plusieurs axes:

Prévention et éducation

La prévention doit commencer dès l’école, avec des campagnes d’information sur:

  • Les risques du tabagisme
  • Les dangers d’une alimentation déséquilibrée
  • Les risques liés à la pollution environnementale

Des mesures plus larges sont également nécessaires:

  • Promotion d’une alimentation biologique
  • Amélioration de la gestion des déchets
  • Transition vers des énergies propres

Progrès médicaux

Heureusement, les avancées médicales offrent des perspectives encourageantes:

  • Méthodes de diagnostic précoce plus performantes
  • Programmes de dépistage à grande échelle
  • Traitements ciblés avec moins d’effets secondaires
  • Approches personnalisées basées sur le profil génétique des tumeurs

Conclusion

L’augmentation des cancers chez les jeunes constitue un défi majeur de santé publique qui nécessite une prise de conscience collective et des actions concertées. Si les progrès médicaux offrent des raisons d’espérer, ils doivent s’accompagner d’efforts soutenus en matière de prévention et de recherche pour inverser cette tendance préoccupante.

Comme le souligne le Dr. Corinne Hubinont, Professeur Émérite en obstétrique à l’UCLouvain, cette situation appelle à une mobilisation à tous les niveaux de la société pour protéger la santé des générations futures.

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